Impossible de te résumer ici toute la méthode Story Grid de Shawn Coyne : il s’agit à la base d’un livre (uniquement en anglais), mais aussi d’un podcast (en anglais également) qui dévoile toutes les subtilités de cette méthode de création narrative, que j’utilise depuis des années dans mes écrits, en complément de la structure en 3 actes et du Voyage du Héros.

J’aime vraiment beaucoup cette méthode, elle m’a permis plein de déblocages dans mes écrits, mais j’aime aussi la souplesse qu’elle permet. Mon imagination est en feu quand je l’utilise ! D’ailleurs Shawn Coyne lui-même nous indique qu’il ne s’agit pas d’un cadre à utiliser de façon rigide, mais bien d’un outil.

Si tu veux d’abord comprendre « Pourquoi utiliser une structure narrative pour écrire ton roman », tu peux aller lire mon article puis revenir ici.

Si tu veux ensuite découvrir en quoi consiste la structure narrative en 3 actes, et celle du Voyage du Héros, tu peux lire mes articles « Comment maîtriser la structure en 3 actes pour écrire ton roman », « Le Voyage du Héros : comment rendre ton histoire plus captivante » et « Les archétypes du Voyage du Héros : enrichis tes personnages ! »

Cet article fait partie du Challenge « 52 articles sur l’écriture en 52 semaines : mon challenge foufou ! » : clique ici pour en savoir plus !

C’est quoi cette méthode « Story Grid » ?

Une boîte à outils

C’est une sorte de boîte à outils dont tu te sers pour à la fois préparer ton roman, et pour le réécrire. Shawn Coyne a développé « The Foolscap Global Story Grid » ainsi qu’un tableau pour pouvoir analyser et améliorer la structure narrative d’un roman, d’un scénario ou de tout autre récit.

Une histoire efficace, pour Shawn Coyne, suit certaines conventions narratives, et utilise des éléments spécifiques pour maintenir l’intérêt du lecteur ou du spectateur. Son outil est basé sur une grille composée de plusieurs catégories, que l’on remplit pour chaque scène, telles que les éléments déclencheurs, les protagonistes présents dans la scène et ceux dont on parle, la durée de la scène, quand elle se situe, son résumé…

Pour moi, ce tableau est devenu un indispensable (auquel j’ai ajouté quelques catégories de colonne, comme le point de vue, vu que j’écris avec une alternance de points de vue). Il me sert de base pour toutes les questions que je peux avoir – et quand on écrit un roman, il y en a ! De « est-ce que ce personnage est présent dans cette scène au fait » à « à quel moment de l’intrigue ils s’embrassent déjà ? », il y a parfois de quoi se perdre quand on gère un gros projet… J’y note aussi les choses à modifier au fur et à mesure de ma relecture.

L’objectif du « Foolscap Global Story Grid » est d’aider l’auteur à évaluer la cohérence et la qualité de son histoire. En examinant chaque élément de la grille, on peut identifier les forces et les faiblesses de son récit, ajuster la structure narrative, développer les personnages, améliorer la tension dramatique et s’assurer que l’histoire atteint ses objectifs.

Le genre d’un roman

Ce qui est aussi intéressant chez Shaw Coyne, et très cohérent, c’est qu’il se base beaucoup sur les genres des romans : chaque histoire appartient à un genre, et doit donc proposer aux lecteurs des scènes, des personnages, des péripéties spécifiques, que l’on doit retrouver dans ce tableau – comme je t’en ai déjà parlé dans l’article général sur les structures narratives.

Par exemple, un roman policier doit présenter un crime, ainsi qu’un « méchant », puis quelqu’un qui mène l’enquête, et enfin des fausses pistes et une résolution (ou non !) de l’enquête.

Une histoire d’amour doit avoir 2 protagonistes, une rencontre, des liens, et un happy end.

Je me sers de cette méthode dès la préparation de mes histoires, une fois que j’ai une idée globale mais tout de même assez précise de ce que je veux raconter, pour la structurer, la triturer, et voir surtout ce qu’il faut rajouter pour qu’elle soit cohérente et qu’elle ait ce petit peps ! Au début de la préparation, je remplis la feuille avec toute la structure Story Grid, pour mon histoire dans son ensemble, puis j’utilise aussi la méthode pour chaque scène, une par une, jusqu’à avoir tout préparé. Puis ensuite, quand j’ai fini le 1er jet, j’utilise son tableau pour analyser mon histoire scène par scène, avant de me mettre à réviser mon roman.

La structure d’une histoire selon la méthode The Story Grid

Bien qu’il divise les histoires en 3 parties, avec des nœuds dramatiques, Shawn Coyne va bien plus loin que la structure en 3 actes, en tirant des leçons des milliers d’histoires lues et étudiées, de ses dizaines années en tant qu’éditeur et consultant en écriture, dans les plus grandes maisons d’édition de New York et à Hollywood.

L’histoire globale est donc divisée en 3 parties par Shawn Coyne, qu’il décrit ainsi :

? le Beginning Hook (« l’accroche du début », où l’auteur doit… eh bien « accrocher » l’attention du lecteur)

 

?le Middle Build (la construction du milieu, où les enjeux escaladent et se construisent, et où le protagoniste fait face à des épreuves de toutes sortes)

 

? et le Ending Payoff (la « récompense de la fin » : on conclut l’intrigue et on offre une une résolution satisfaisante au lecteur).

Chaque partie, ou acte de l’histoire devra alors avoir :

? un « Inciting Incident » (un élément qui déclenche l’action)

 

??? des « Progressive Complications » (des difficultés croissantes qui découlent de cet événement)

 

? qui culmineront pendant le « Turning Point » (le point de basculement), ce moment décisif qui modifie la trajectoire de l’histoire

 

?? ce Turning Point va amener le personnage principal à se poser la « Crisis Question » (la Question de Crise) au moment le plus critique de l’histoire (Qu’est-ce que je fais maintenant ? Que choisir ?).

 

??? Il y répondra par une action, pendant le point culminant de l’histoire, le Climax

 

? pour finir par la Resolution de l’acte, ou de l’histoire en général.

Les charges internes et externes

Ce qui m’a aussi beaucoup aidée sont les histoires de « charges » internes et externes : si une histoire commence avec une charge positive, si elle commence positivement, elle doit se finir avec une charge négative – le héros ne doit pas obtenir ce qu’il voulait, ou pire, il meurt.

Vu que j’écris des comédies romantiques qui doivent donc se finir positivement, que ce soit pour l’objectif interne de mes héros (ils doivent aller mieux à la fin, ou avoir dépassé leurs peurs etc), mais aussi pour leur objectif externe (trouver l’amour), j’ai donc ce schéma-là :

– Fin de l’acte 3 : charges positives (le Happy End)

– Donc Fin acte 2 / début acte 3 : charges négatives (l’inverse du précédent)

– Donc Fin acte 1 / début acte 2 : charges positives (l’inverse du précédent)

– Donc Début acte 1 : charges négatives

Ce qui donne dans le bon ordre :

Début acte 1 : charges négatives

Fin acte 1 / début acte 2 : charges positives

Fin acte 2 / début acte 3 : charges négatives

Fin acte 3 : charges positives (le Happy End)

Je sais donc que, pour que mon histoire soit intéressante, je dois commencer mon histoire par un acte où mon personnage principal a des difficultés, qui semblent résolues à la fin de l’acte 1, puis ça empire pendant l’acte 2, pour finir positivement grâce au climax de l’acte 3.

De même, j’ai appris à repérer les problèmes potentiels dans une scène : une scène qui commence positivement et qui finit positivement n’a pas grand intérêt, on est d’accord, non ? Sur le papier, ça paraît évident ! Mais parfois quand on écrit, on ne se rend pas forcément compte que c’est un truc tout bête comme ça qui peut poser problème.

Et personnellement, ça déclenche mon imagination, comme je te le disais ! Je me sens poussée à inventer de nouvelles choses pour mettre des bâtons dans les roues de mes protagonistes, ou au contraire, si c’est de ça dont a besoin ma scène, pour les enfoncer encore plus.

Alors, soyons précis, il ne s’agit pas simplement de passer du + au – : il existe tout un panel de subtilités (du ++ au +++, en général à la toute fin pour une comédie romantique ou une romance en général, ou du – au – – – pour un film d’horreur par exemple !). Mais l’idée est qu’il y ait un mouvement, dans un sens ou un autre.

Les différents éléments de cette structure en détails

Voyons un peu tout ça en détail. Si tu as lu l’article sur le Voyage du Héros ou si tu connais cette autre structure narrative, tu pourras t’amuser à y retrouver quelques points communs !

L’Inciting incident ou l’élément déclencheur

Par une coïncidence (par exemple, une attaque d’Aliens !) ou un événement spécifique (sa femme le quitte), l’équilibre ordinaire du personnage principal se trouve perturbé : il est propulsé dans l’histoire, et doit entreprendre une quête ou faire face à un défi.

Cela peut être un événement externe, comme une rencontre inattendue, un accident ou un changement majeur dans les circonstances, ou un événement interne, comme une prise de conscience ou une décision importante.

L’Inciting Incident est crucial : il perturbe l’état normal des choses pour le protagoniste, créant un conflit et une motivation pour agir. C’est ce qui éveille l’intérêt du lecteur ou du spectateur et lance l’intrigue de l’histoire.

Les Progressive complications ou les complications progressives

Mais tout ne se passe pas tout seul, le personnage doit faire face à de nombreux aléas, à des obstacles, et des difficultés croissantes, tout au long de l’histoire.

Au fur et à mesure de l’intrigue, les obstacles auxquels le protagoniste est confronté deviennent de plus en plus complexes, difficiles à surmonter et mettent en péril la réalisation de son objectif.

Il existe plusieurs formes de complications : conflits internes ou externes, confrontation avec des antagonistes, révélations surprenantes, dilemmes moraux, revers ou échecs temporaires.

Les complications progressives servent à maintenir l’intérêt et la tension dramatique de l’histoire. Chaque complication doit augmenter la pression sur le protagoniste, le forçant à s’adapter, à évoluer et à prendre des décisions de plus en plus difficiles.

Le Turning Point ou le Point de Basculement

C’est le moment crucial de l’histoire, qui modifie la trajectoire de l’histoire, et où tout le monde se demande comment le protagoniste va réussir à se sortir de tout ça.

Il peut s’agir d’un retournement de situation inattendu, d’une révélation de vérité, d’un événement dramatique ou d’un choix crucial effectué par le protagoniste. C’est comme la complication ultime, la plus difficile que le protagoniste ait eue à gérer jusque là.

Le Turning Point a pour effet de faire évoluer l’histoire dans une nouvelle direction, de créer un nouveau défi ou de mettre en place une résolution. Il faut trouver ici ce qui va faire que le personnage va se poser la « Question de Crise ».

Le Turning Point est également essentiel pour maintenir l’intérêt du lecteur ou du spectateur, car il suscite des émotions, des surprises et des revirements qui font avancer l’intrigue. Il peut également servir à développer les personnages, à intensifier le conflit ou à révéler de nouvelles informations qui remettent en question les attentes précédentes du lecteur.

La Crisis Question ou la Question de Crise

Ce moment critique pousse le personnage à se poser une question fondamentale : qu’est-ce que je fais maintenant ? Il exprime le dilemme profond du protagoniste, qui doit prendre une décision qui aura des conséquences importantes pour lui-même et pour l’histoire.

La Crisis Question est souvent formulée de façon binaire, avec deux options mutuellement exclusives. Le protagoniste aura ainsi le choix entre deux actions positives, mais choisir l’une veut dire perdre l’autre (par exemple, sacrifier son amour pour atteindre son objectif, ou abandonner sa quête pour sauver quelqu’un qui lui est cher).

Ou il pourra avoir le choix entre deux mauvaises options, où il va perdre de toute façon. Il doit donc choisir entre le moins pire des deux…

La réponse à la Crisis Question détermine la direction de l’histoire et conduit au climax et à la résolution de l’intrigue. Elle est souvent associée à un moment de transformation pour le protagoniste, où il atteint une compréhension plus profonde de lui-même et de ce qui est vraiment important.

C’est encore une fois un outil puissant pour intensifier le conflit interne du protagoniste, susciter l’engagement émotionnel du lecteur ou du spectateur et donner une dimension supplémentaire à l’histoire.

Le « Climax« 

C’est le point culminant de l’histoire, où la tension et l’intensité dramatique sont au plus fort, le moment où le personnage a pris sa décision, il a fait un choix et il agit en rapport avec celle-ci.

C’est le moment où le protagoniste est confronté à son défi le plus difficile et décisif. Cela peut impliquer un affrontement avec l’antagoniste principal, une confrontation avec ses peurs les plus profondes ou une décision cruciale qui détermine le résultat de l’histoire.

C’est un moment clé pour créer un impact émotionnel, susciter l’excitation et donner un sens à l’histoire dans son ensemble. Il est important de bien construire et exécuter le climax afin de satisfaire les attentes du public et de conclure l’histoire de manière convaincante.

La « Résolution »

C’est le moment où les différents fils narratifs sont démêlés, où les questions en suspens trouvent des réponses, où on conclut l’intrigue principale et où l’auteur donne une clôture émotionnelle. On revient à un nouvel équilibre. C’est aussi ici que le changement de charge intervient, du négatif au positif ou inversement, suivant le genre de l’histoire.

La résolution permet de conclure l’histoire de manière satisfaisante pour le lecteur ou le spectateur, en offrant un sens global à l’histoire et en répondant aux attentes du public, que ce soit avec une fin tragique, ambiguë ou ouverte à l’interprétation.

La structure d’une scène selon The Story Grid

Une scène d’après Shawn Coyne doit suivre le même schéma, pour lui donner à la fois du relief, de l’intérêt, et s’assurer qu’elle est bien utile à l’histoire globale : Élément Déclencheur, Complications Progressives, Point de Basculement, Question de Crise, Climax, Résolution. Il conseille aussi d’écrire des scènes d’environ 2000 mots, pour garder le rythme et l’attention du lecteur – ce que je fais à peu près sans me forcer et qui convient bien à mes lecteurs. À toi d’ajuster suivant le genre dans lequel tu écris, bien sûr.

Des exemples pour mieux comprendre

« The Great Gatsby » (F. Scott Fitzgerald):

Inciting Incident / Élément Déclencheur

Jay Gatsby, un homme mystérieux et richissime, organise des fêtes somptueuses dans l’espoir d’attirer l’attention de Daisy Buchanan, son amour de jeunesse.

Progressive Complications / Complications Progressives

Les obstacles augmentent à mesure que Gatsby tente de reconquérir Daisy, faisant face à la classe sociale, à l’infidélité et à la trahison.

Turning Point / Point de Basculement

Gatsby, découvre la véritable nature de son amour de jeunesse, Daisy Buchanan, lors d’un événement majeur.

Crisis Question / Question de Crise

Gatsby doit décider s’il est prêt à renoncer à ses illusions et à accepter que Daisy ne peut pas être son idéal romantique.

Climax

Le point culminant survient lors d’un tragique événement qui expose la futilité de l’obsession de Gatsby et qui conduit à sa chute.

Resolution

La résolution présente les conséquences des actions de Gatsby et offre une réflexion sur le rêve américain et l’éphémère.

« Orgueil et Préjugés » de Jane Austen :

Inciting Incident

L’arrivée de M. Bingley, un célibataire riche, dans la région suscite l’intérêt des familles locales, notamment des sœurs Bennet.

Progressive Complications

Les complications surviennent alors que les sœurs Bennet naviguent entre les quiproquos, les préjugés sociaux, les malentendus amoureux et les contraintes de la société de l’époque.

Turning Point / Point de Basculement

Elizabeth Bennet lit la lettre de Mr Darcy qui révèle la vérité sur son implication dans les malentendus et les préjugés qui ont influencé leur relation.

Crisis Question

Elizabeth Bennet, l’héroïne, est confrontée à la décision de suivre son instinct et de rejeter les conventions sociales en refusant une proposition de mariage avantageuse ou de céder aux attentes et aux pressions de sa famille.

Climax

Le climax se produit lorsque les vérités cachées et les erreurs de jugement sont révélées, entraînant des retournements de situation et des bouleversements émotionnels.

Resolution

La résolution présente les transformations personnelles et les réconciliations qui ont lieu, offrant une réflexion sur l’importance de l’authenticité, de la remise en question des préjugés et de la recherche du véritable amour.

? C'est parti mon kiki : passe à l'action !

Voilà un petit plan d’actions à faire, pour apprendre à utiliser la méthode de Shawn Coyne :

1. Lis attentivement cet article et ces exemples !

2. Analyse des livres, films, séries télévisées ou jeux vidéo, à la lumière des étapes de cette méthode, pour mieux comprendre leur structure narrative. Vois comment chaque partie contribue à faire avancer l’intrigue et à développer les personnages.

2 bonus. Tu peux même réfléchir à ton propre voyage, à ton propre parcours de vie : identifie les étapes qui pourraient s’appliquer à tes expériences personnelles. Ça pourrait t’aider à mieux comprendre ta propre croissance et transformation. Ou fait la même chose avec la vie de personnages célèbres.

3. Pratique l’utilisation de cette méthode, par exemple en écrivant des histoires courtes, ou en utilisant en tant que guide cette structure dans tes projets d’écriture.

4. Ou analyse une des histoires que tu as déjà écrites, en te posant la question de si cette méthodologie peut t’aider à les améliorer. Identifie toutes les étapes de ton histoire par rapport à la méthode de Shawn Coyne. Sont-elles toutes présentes ? Si non, pourquoi ? Est-ce que ces éléments ne pourraient pas t’aider à intensifier le « ventre mou » de ton histoire, à savoir le 2ème acte ? Ou une autre partie ? As-tu bien pensé aux changements de charges, du positif au négatif ou inversement, dans ton histoire globalement, mais aussi dans tes scènes ?

5. Lis le livre de Shawn Coyne (en anglais uniquement) si tu veux en savoir plus. Tu peux aussi te plonger dans son podcast, « Story Grid Writing Podcast » (en anglais…), où il discute avec l’auteur Tim Grahl de toutes les subtilités de cette méthode, avec de nombreux exemples. Au bout d’un moment, Tim va même se mettre à écrire un livre en suivant le modèle, et Shawn l’améliore en temps réel dans les épisodes. Il existe aussi des livres où ils analysent certains livres connus avec la méthode Story Grid.

As-tu déjà utilisé la méthode Story Grid dans tes propres histoires ? Partage tes questions et tes expériences dans les commentaires ! ???